Ce mardi, les sénateurs ont voté en faveur du projet de loi sur l’immigration. La version soumise à la chambre haute diffère considérablement de celle initialement proposée par le gouvernement. Les sénateurs ont accentué l’aspect répressif du projet et réduit les mesures liées à l’intégration, en introduisant plusieurs dispositions visant à faciliter les expulsions d’étrangers considérés comme « délinquants ». Les changements incluent des mesures pour simplifier les procédures d’éloignement et dissuader les entrées sur le territoire. Alors que le projet de loi avait initialement 27 articles, il en comptera près d’une centaine lors de son examen à l’Assemblée nationale le 11 décembre.
Le texte renforce les critères du regroupement familial en prolongeant la période de séjour en France nécessaire pour en faire la demande, passant de 18 à 24 mois. Il introduit des quotas migratoires et réintroduit le délit de séjour irrégulier, sanctionné par une amende de 3750 euros. Les conditions d’acquisition de la nationalité française sont également durcies, notamment en mettant fin à l’acquisition automatique du droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers, qui devront désormais attendre leur majorité, et en prolongeant le délai de résidence requis pour la naturalisation de cinq à dix ans.
En outre, le texte prévoit la déchéance de nationalité en cas de tentative d’homicide ou d’homicide sur les forces de l’ordre ou toute personne dépositaire de l’autorité publique. La délivrance de visas et l’aide publique au développement sont conditionnées à la coopération des États étrangers dans la délivrance des « laissez-passer consulaires » nécessaires aux expulsions.
Les mesures incluent également la radiation de la Sécurité sociale et de Pôle emploi pour les étrangers faisant l’objet d’un refus de séjour, d’un retrait de titre de séjour ou d’une expulsion. Un fichier des mineurs étrangers isolés délinquants sera créé, et l’accès à certaines prestations sociales (allocations familiales, aide personnalisée au logement, etc.) sera conditionné à cinq ans de séjour régulier en France au lieu des six mois actuels.
La délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle sera soumise à la démonstration d’un « niveau minimal de français », vérifié par un examen. De plus, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sera délivrée dès le rejet d’une demande d’asile en première instance, mettant fin immédiatement à la prise en charge médicale au titre de la protection universelle maladie (PUMA) et entraînant la sortie des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Enfin, le texte réduit le nombre de procédures permettant de contester une expulsion.
Cependant, la gauche a réussi à faire adopter une avancée sociale rare avec un amendement qui accorde une carte de séjour temporaire aux sans-papiers portant plainte contre des conditions d’hébergement indignes imposées par leurs propriétaires, dans le but de lutter contre les marchands de sommeil.
Le Sénat a retiré les articles 3 et 4 du projet de loi visant à régulariser les travailleurs sans-papiers. Selon la nouvelle version du texte, les travailleurs exerçant dans des secteurs en tension pourront obtenir un titre de séjour d’un an « à titre exceptionnel », contrairement à la disposition initiale qui prévoyait l’octroi automatique. Le projet de loi impose également diverses conditions pour l’obtention de ce titre de séjour exceptionnel, telles que justifier d’une période de travail de douze mois au cours des deux dernières années et adhérer aux « valeurs de la République ».
Par ailleurs, la réforme supprime l’Aide Médicale d’État (AME), qui prenait en charge les frais de santé des personnes en situation irrégulière. Cette aide est remplacée par une « aide médicale d’urgence », axée sur les « maladies graves », les soins liés à la grossesse et les vaccinations obligatoires.
Le texte propose, en cas de menace sérieuse pour l’ordre public ou la sécurité nationale, de lever la plupart des protections contre l’expulsion dont bénéficient certains immigrants (à l’exception des mineurs), tels que ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou résidant sur le territoire depuis plus de vingt ans. Ces dispositions, initialement proposées par le gouvernement et renforcées par la majorité sénatoriale de droite et du centre, ciblent les individus ayant été condamnés pour des crimes ou délits passibles de cinq ans ou plus d’emprisonnement.
Bien que la gauche, en position minoritaire au Sénat, ait réussi à rétablir certaines mesures que la droite envisageait de supprimer, telles que le durcissement des sanctions à l’encontre des employeurs de main-d’œuvre illégale et l’obligation pour les employeurs d’aménager le temps de travail de certains employés afin de leur permettre de suivre des cours de français, la régularisation des sans-papiers dans les secteurs en tension demeure centrée sur la notion clé du gouvernement : la possibilité pour les travailleurs de déposer eux-mêmes une demande de régularisation, sans nécessiter l’approbation de leur employeur, qui n’est pas toujours enclin à soutenir cette démarche.